Une chose est sûre, l’incertitude est de mise avec l’abus de droit à but principalement fiscal

Entre deux solutions qui permettent de réaliser le même objectif, quel mal peut-on trouver à choisir la moins couteûse ? Aucun évidemment et l’administration fiscale ne saurait trouver à redire aux choix relevant de la simple et bien naturelle habileté de l’esprit humain.

Tel n’est pas le cas si l’unique objectif de la solution est de payer moins d’impôt. Utiliser une disposition législative, relevant du pouvoir étatique, dans le seul but de réduire les recettes fiscales qui financent ce même État apparaît en effet assez peu à propos.

C’est la raison pour laquelle l’administration se réserve le droit de mettre en œuvre la procédure d’abus de droit qui recouvre deux réalités différentes. D’une part les actes fictifs, comme un acte de vente avec transfert du prix mais pas du bien qui viserait uniquement à ne pas payer les droits de donation. D’autre part, la fraude à loi dès lors qu’une application littérale du texte dénature l’intention législateur, comme le fait de réaliser une donation à son époux qui lui-même va donner à son propre enfant, avec pour conséquence des droits de donation réduits.

Pour cette seconde catégorie d’abus de droit, le but poursuivi par l’opération doit être exclusivement fiscal. Dans notre exemple il n’y a aucun intérêt à donner auparavant à l’époux puisque celui-ci donne à son tour. La seule justification ne peut être que l’économie fiscale réalisée.

Dans ce cas, la sanction n’est pas anodine puisqu’en plus de devoir s’acquitter de l’impôt dû en l’absence du montage, des intérêts de retards seront ajoutés ainsi qu’une majoration de 80% (40% si le contribuable n’est pas à l’initiative du montage ou le principal bénéficiaire).

Non content de cet arsenal législatif, une nouvelle procédure concernera les actes réalisés à partir du 1er janvier 2020 lorsque l’application littérale du texte a pour objectif principal de réduire le montant de l’impôt. Cette notion de « principal » cristallisant toutes les angoisses à cause du flou qu’elle induit.

Cela à juste titre puisqu’ aucune indication n’est fournie pour apprécier le caractère principalement fiscal d’une opération, notamment pour quantifier un intérêt non fiscal. Comment savoir si l’économie fiscale de 10 000 € est principale dans un montage qui vise à protéger le conjoint ?

En maigre consolation, les sanctions seront réduites. L’administration pourra réclamer le règlement de l’impôt en écartant l’acte frauduleux. Les majorations de 80% et 40% nécessiteront une démonstration supplémentaire de l’administration du degré de culpabilité du contribuable.

Devant toutes les suppositions avancées, une seule vérité éclatante subsiste. Personne, ni même peut-être l’administration, ne sait quels seront les contours précis du caractère principalement fiscal d’un montage patrimonial et donc les opérations visées.

Que faire alors ? ne plus choisir les solutions permettant au contribuable d’économiser de l’impôt ou faire comme si de rien n’était en prenant le risque du contentieux ?  Il s’agira surtout d’être attentif à la formalisation écrite des motivations économiques et civiles qui ont guidées le conseil.

Nous n’avons pas le choix que d’accorder notre confiance au législateur en lui prêtant la louable intention de réprimer les montages fiscaux agressifs échappant aux procédures actuelles sans pour autant redresser tous les contribuables qui choisissent la solution la moins onéreuse.